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Par Roland F5ZV
La station de radiosondage
d'Idar-Oberstein en Allemagne est loin vers le nord. Il arrive
rarement que les RS92-AGP lâchées là-bas retombent
dans le sud de l'Alsace. Quand ça arrive, il faut en profiter.
Et cela arrive en ce mois de mars 2009 où les vents ne
semblent plus souffler que du nord.
Premier acte : 18Z
20h14 je viens de perdre le signal de la RS à 5000m d'altitude
du côté de Freiburg, en Allemagne, en plein dans
le massif de la Forêt-Noire. Le relief est marqué
mais les sommets ne sont pas très hauts. J'ai une chance
de retrouver le signal, bien que la portée au sol ne dépasse
guère une paire de kilomètre quand elle est au sol.
Je décide d'aller la chercher.
23h50 je suis sur place et je ratisse : rien. A 00h30 Celle de
00Z commence à se faire entendre en même tempq que
la SGP de Kümmersbruck inopportunément sur la même
fréquence de 402.700 Mes chances de retrouver le signal
de celle de 18Z s'amincissent de minute en minute.
Je décide de redescendre dans la plaine du Rhin pour effectuer
le décodage de celle de 00Z
Deuxième acte : 00Z
02h24 La RS de 00Z est au sol, à 17 km du point où
je me trouve. J'ai perdu le signal à 1500m je ne devrais
pas avoir trop de problèmes pour le retrouver.
03h15 Je suis dans la zone. En entrant dans le village de Schuttertal,
le signal se fait entendre par endroit. Arrêt sur le bas-côté
de la route, un tour d'horizon avec la 9 éléments
: 260 degrés. Première rue à gauche, chemin
de bois qui grimpe sur la crête boisée de grands
sapins. Je gare le véhicule, enfile les grosses godasses,
charge le rucksack (sac-à-dos : on est en Allemagne), l'antenne,
le récepteur, le GPS pour mesurer la position réelle
mais je laisse le camescope car dans la nuit, le résultat
n'est pas toujours intéressant.
Signal assez fort, direction nette : en face, dans le vallon.
Je reste sur le chemin tant que je peux mais le signal persiste
à venir du fond du vallon, il faut descendre à travers
la forêt.
Bizarre, plus je descends, plus le niveau du signal baisse et
la direction change, phénomène indiquant que ce
que je reçois n'est pas le signal direct mais un écho
sur le versant en face.
Au fond de la vallée se trouve le village de Regelsbach
que je traverse sans même entrevoir une lumière ni
entendre un bruit. La direction du signal est celle de l'axe de
la vallée maintenant. Un bon chemin y mène qui longe
un ruisseau. Le fond du vallon est un prè tout en longueur
bordé de hauts sapins. L'herbe est givrée, le ciel
est étoilé. Bien habillé, je commence à
avoir trop chaud et pourtant il doit faire cinq degrés
au-dessous de zéro. Le signal monte au même rythme
que le chemin. J'approche du fond de la petite vallée,
je m'approche d'un groupe de taches blanches en forme de triangle
: des tentes d'indiens. Le campement a l'air inhabité.
J'arrive au bout du prè, le signal est très fort
et vient du 90 degré. La pente semble raisonnable, je décide
de l'attaquer. Arrivé à la lisière du bois,
j'entends une série de grognements réguliers qui
résonnent dans le silence : un sanglier. Peut-être
une laie avec ses petits, c'est l'époque où elles
mettent bas ; un solitaire aurait sans doute décampé
en entendant le raffut que je faisais. Je décide de faire
un large détour pour ne pas la déranger (et surtout
ne pas prendre le risque de me faire attaquer...). Soudain éclate
un bruit d'avion à réaction, tiens, finalement ce
n'était pas un sanglier. Je m'attends à voir déboucher
l'avion au dessus des arbre mais non silence brutal. Le bruit
d'un avion à réaction ne s'arrête pas brusquement
comme cela. Ce n'est donc pas un avion et ce n'est pas un sanglier...
J'y suis c'est une harde de sangliers ! Il doit y avoir du monde
pour faire un boucan pareil. J'élargis encore mon détour
en montant.
Le signal baisse, je m'éloigne. J'approche de la crête
et je rejoins un chemin qui va dans la bonne direction. Il y a
de nouveau une réflexion sur l'autre versant qui pourrait
faire penser que la radiosonde est tombée là-bas
mais ce signal fantôme est instable et son niveau varie
quand j'avance tandis que le signal direct augement d'intensité
et sa direction ne varie guère.
Cette fois, pas de doute, je suis tout près, moins de deux-cents
mètres car je reçois le signal sans antenne. Le
moment est venu de sortir le papier d'alu pour emballer le récepteur.
Mais le signal est tellement fort que le récepteur est
saturé. Quand j'écoute une RS92-AGP avec l'AR-1500
en AM ou en FM, le décalage en fréquence ne marche
pas bien. J'essaie la WFM : miracle ! A trois-cents kilohertz
de la fréquence de la RS le signal est net, je peux déterminer
une direction précise : juste au-dessus de ma tête
! Je m'éloigne : il n'y a pas de doute, elle est par là.
Mais il est impossible de distinguer quoi que ce soit dans les
branches des immenses sapins, ma torche ne porte pas assez loin.
Heureusement le jour se lève et je finis par apercevoir
le boîtier de la RS qui pend au bout de sa ficelle, à
sept mètres au dessus du chemin.
Mon fagot de bâtons de ski est resté dans la voiture,
à une demi-heure de marche de là. J'essaie de trouver
une perche : rien, à part quelques branches pourries. C'est
alors que je me souviens de mon lance-pierre rangé dans
le sac-à-dos ; j'ai même une drisse toute fine au
bout de laquelle est attachée une balle de golf. Et si
j'essayais de lancer la drisse par dessus le boîtier pour
qu'elle se coince entre la ficelle et l'antenne ou le bras porte-capteurs
? Rêve fou, il faudrait un de ces coups de chance... Je
déroule une douzaine de mètres de ficelle, je fais
tournoyer la balle de golf et... hop, la drisse se coince entre
l'antenne GPS et la tige d'accrochage de la ficelle ! Une chance
sur cent de réussir, c'était la bonne. Je tire doucement
et le boîtier descend jusqu'à moi. Le parachute restera
dans l'arbre.
Troisième acte : 18Z
Il est 6h30 quand j'arrive au véhicule. Le GPS de randonnée,
un eTrex de Garmin, est une merveille.
Le temps de changer de chaussures et la RS de 06Z est audible.
Il faut que je retourne dans la plaine du Rhin pour être
dans un endroit dégagé. Comme les prévisions
prévoyait un point de chute plus au sud-ouest, vers la
Breisach, je me déplace dans cette direction. Une aire
d'autoroute n'est pas le meilleur des endroits pour écouter
une RS mais là, je n'ai pas besoin d'écouter mais
de décoder, le PC portable n'est pas incommodé par
le bruit.
08h10 la RS approche mais elle reste à l'est de ma position,
comme si elle voulait me contourner à la manière
dont j'ai évité la bande de sangliers. L'altitude
chute rapidement, jamain elle n'arrivera à ma hauteur.
Le réticule rouge qu'affiche SondeMonitor tournicotte à
une trentaine de kilomètres d'ici, dans une zone de forêt
et de montagne. Finalement, c'est le coin que choisit ma RS pour
se poser. Un double-café pour se maintenir l'esprit clair
et on y va.
09h30 Je suis pratiquement au point indiqué par SondeMonitor.
La route s'arrête, il faut y aller à pied. Le chemin
est raide et traverse des pâtures que le propriétaire
est en train de fertiliser avec du lisier de porc. Ce n'est pas
comme cela que je voyais la forêt noire...
09h45 je grimpe depuis un quart d'heure et je n'entend toujours
pas le signal. Je ne suis pas inquiet car la RS est vraisemblablement
de l'autre côté de la crête.
10h00 Mon hypothèse était bonne, le signal est apparu
dès que j'ai basculé dans la vallée adjacente.
Sa direction est celle d'une grosse ferme de montagne située
en contrebas. Comme le chemin qui y mène fait le tour de
la cuvette, je peux vérifier que la RS est sans aucun doute
dans la ferme. Le paysan travaille un peu à l'écart,
il ne s'occupe pas du tout de moi. Il sait très bien que
les trois chiens qui sortent en aboyant suffisent pour garder
la maison. Ma yagi 9 éléments qui pointe vers la
maison les maintient bien à distance, les chiens aboient
mais le chasseur de RS passe. Le signal est maintenant 59+ mais
il n'est pas nécessaire de sortir le papier d'alu : je
viens d'apercevoir le petit parachute rouge posé sur un
chariot garé dans la cour de la ferme.
Je me dirige vers le maître des lieux, un rude montagnard
que je préfèrerais ne pas rencontrer dans un bois
en pleine nuit... Je lui explique en allemand que je cherchais
un ballon-sonde et que je viens de le trouver. Après quelques
minutes de dialogue de sourds, il consent à me donner la
sonde, retourne à son travail sans plus s'occuper de moi
et me laisse me débrouiller avec les chiens.
Quatrième acte
Le temps de rejoindre mon véhicule, laissé dans
l'autre vallée, de retrouver la civilisation et de casser
une petite croûte, et la radiosonde de 12Z a décollé.
Je n'avais pas tiré de prévision mais le décodage
de la trajectoire me renseigne sur le point de chute futur : au
nord de Strasbourg. Trop loin pour moi, il est temps que je rentre,
je dormirai bien ce soir.