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Par Roland, F5ZV
Quand on prévoit un voyage,
il faut aussi prévoir les points de chute des radiosondes
dont on risque de croiser les trajectoires. C'est ce que j'ai
fait. Mon windgram n'est plus trop frais mais je n'ai rien de
mieux. Il m'indique un point de chute de la RS92SGP de Mérignac
à 50 km au nord de Bordeaux.
14h00, vieille ville d'Angoulème,
un beau point haut. Ecoute du 404.000 la fréquence habituelle
de Bordeaux : rien ! La SGP n'est pas au rendez-vous, elle
m'a posé un lapin. Désespoir, on ne peut plus faire
confiance à personne.
Je balaye la bande : une DFM06 est en l'air (Biscarosse
?) et je soupçonne une M2K2 (Toulouse, sans doute). Tant
pis on continue en direction du Lot-et-Garonne où le beauf
nous attend. C'est dans des
moments de grande déprime comme celui là qu'on apprécie
la famille.
14h26, on roule. J'ai laissé le récepteur en veille
sur 404,0 machinalement, on ne sait jamais. Soudain une petite
porteuse en SSB, la modulation caractéristique de la SGP
sort du bruit, espoir, arrêt d'urgence ! On branche le PC
avec SondeMonitor, les premières trames sont décodées,
la sonde est déjà à plus de 4000m et elle
dérive doucement vers le Sud-Est. Elle est à plus
de 40km et nous nous éloignons d'elle, il faudrait un bon
coup de vent pour qu'on ait une chance de la trouver sur notre
route.
16h32 Le ballon a éclaté depuis un bout de temps,
c'est la chute. Le signal est anormalement faible, la plupart
des trames sont perdues. Tout ce que je sais est que l'altitude
n'est plus que de 3000m. Je m'arrête
pour sortir l'antenne 9 éléments qui devrait me
permettre de décoder au moins une trame avec la position
GPS.
16h50 Impossible de décoder une trame, même avec
la yagi. Il y a un problème. Je débranche le préampli
et change le câble d'antenne, peut-être qu'il a pris
l'eau ? Miracle : sans préampli, le signal est de 59+ c'est
la pile du préampli qui est morte !
16h53 ça y est j'ai une position GPS, je la rentre dans
mon GPS de randonnée histoire de voir à quelle distance
se trouve la sonde dont l'altitude n'est plus que de 1200m. L'appareil
rend son verdict : 6,4 km ! Elle est toute proche, pas étonnant
que le signal était si fort. Je braque l'antenne dans la
direction indiquée par le GPS, le signal est très
fort, toutes les trames sont décodées l'altitude
passe en dessous de 600m au moment où le signal disparaît
brutalement. Il ne nous reste plus qu'à nous rendre à
la dernière position décodée.
17h10 Nous y voilà. Le signal n'est pas très fort
mais il est là. Direction 280 degrés.
17h20 la pluie se calme. Nouveau relevé trois kilomètres
plus loin, encore 280 degrés. Il faut avancer. Je m'engage
entre deux parcelles de vignobles pour faire demi-tour, le terrain
très légérement en pente est
extrêmement glissant, le sol désséché
n'a pas absorbé la pluie récente et la couche de
boue superficielle est comme un film d'huile. Plus moyen de remonter
la pente, le véhicule est incontrôlable et il me
reste à
descendre en marche arrière en espérant retrouver
un chemin. De toute ma jeunesse de fils d'agriculteur je ne me
suis trouvé dans une telle situation.
18h10 On s'en est sorti avec bien du mal, la carrosserie a pris
la couleur du terroir et le signal est toujours plein ouest. Il
faut avancer.
18h15 Ah ! Signal 59 au 190 degrés, en direction d'un petit
bois à 500m de la route. Non, je ne m'engagerai pas dans
ce chemin de terre, on va essayer de trouver une autre route.
18h30 Un bon chemin nous a menés jusqu'à l'orée
du bois. Le signal est si fort que j'ai dû décaler
la fréquence de 910 kHz (deux fois la moyenne fréquence
de 455kHz) Elle est à moins de 100m.
18h35 après avoir chaussé les godasses de rando
j'avance le long du bois. Je la suppose dans les arbres vu que
je l'entendais à près de 5km.
18h40 signal 59+ malgré le décalage en fréquence
et l'atténuateur, il est temps de passer sur l'harmonique
2 : 808MHz.
Elle n'est pas dans les arbres, je rentre dans le bois en avançant
lentement dans les broussailles. L'harmonique 2 est à 59,
l'antenne m'indique clairement la direction, deux mètres
encore et je vois le boîtier dans les ronces, la ficelle
monte à la verticale, le parachute est à 10m de
hauteur dans un petit chêne. Il ne me reste plus qu'à
arracher de mes semelles l'épaisse croûte de torchis
(paille+argile) qui me fait plus grand de 3cm. Ici la terre est
amoureuse, comme dit Nicolas F1BMN qui s'y connaît en terre
à vignes...
Conclusions, les leçons de la journée :
- ne jamais désespérer, rester à l'écoute
tout en roulant
- toujours tâter le terrain avant de s'engager avec un véhicule
qui n'est pas prévu pour les travaux agricoles
- le décalage sur la fréquence image puis sur l'harmonique
2 est la méthode universelle pour l'AR-1500