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Petites histoires de chasseurs
 

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La chasse à la radiosonde au milieu d’une battue aux sangliers

Par Jean-Paul, F1LVT

Pour le samedi 10 octobre 2009, les prévisions pour la RS de Lyon indiquent une chute probable dans le vallée du Grésivaudan, vers Pontcharra, entre Lyon et Grenoble. La veille au soir, je contacte Robert, F1GHO, qui me confirme le point de chute, vers Montmélian. Ce n’est pas trop loin de chez moi et je prépare le matériel gonio.
Le matin, dès 7h je me mets à l’écoute. Elle est lâchée vers 6h45. Aucun signal. A 8h, le ballon doit être très haut et toujours rien. C’est surprenant. Je réveille Robert (il s’était couché très tard la veille), qui entend très faiblement la RS puis le signal disparaît. Encore une qui a refusée de prendre de la hauteur. Robert m’indique le point de chute probable à partir des informations disponibles : Morestel. C’est beaucoup plus loin pour moi, mais comme tout est prêt … enfin pas tout à fait car il tombe des cordes.
Vers les Abrets, à une vingtaine de kilomètres de Morestel, le signal commence à être entendu. Le Doppler me donne une direction un peu plus à l’Est mais je veux d’abord vérifier ce qu’on entend à Morestel. Confirmation des mesures précédentes et le Doppler me tire vers Izieu, dans l’Ain, 10 km plus loin. J’avais déjà fait fonctionner l’antenne VHF du Doppler sous l’eau, mais pour l’antenne Doppler UHF c’est le baptême par immersion, elle continue de fonctionner toujours très bien.
En s’approchant du Rhône, le signal disparaît. Quelques soupçons sur la barre montagneuse et les falaises en face de moi. Pour voir de l’autre coté, il faut monter sur le plateau de Prémeyzel.
Dès la barre rocheuse franchie, le signal sur le plateau de Prémeyzel est très fort. La porteuse de la M2K2 qu’on entend qu’à faible distance est à 59. La RS est tout prêt. Oui, mais où ? La porteuse est très forte sur une zone d’un kilomètre carré, au-delà l’atténuation est importante. La polarisation est verticale, ce qui vent dire que la RS est probablement accrochée dans un arbre. La plaine est entourée de hautes falaises de 200m à 300m sur 3 cotés. On ne voit pas les crêtes qui sont dans les nuages, et heureusement la pluie commence à se calmer.
La recherche à pied commence. La 5 éléments 403 MHz me donne une direction assez précise, confirmée par une 9 éléments : la RS est dans une combe orientée vers l’est. Le ciel se dégage un peu et dans l’axe déterminé, je vois clairement le parachute accroché au sommet d’un arbre, près de la crête. On devine un toit un peu plus haut sur la crête. Mais l’accès ne semble pas évident.
Par radio, Robert m’indique une route d’accès à la crête par le sud, en passant pas Izieu. Quelques kilomètres en voiture, et me voilà sur le sommet des falaises. L’antenne directive donne exactement le point repéré d’en bas, avec un 59 sur la porteuse. Il pleut encore, et la végétation est impénétrable. Ce sont des bois de buis et d’épineux, et je ne pensais pas que le buis puisse retenir autant d’eau : je suis trempé en peu de temps en essayant de les traverser. Impossible d’aller sur la crête à cause des barres rocheuses. Un chien essaie de m’arracher un mollet mais son propriétaire arrive rapidement avec son fusil ; il était à l’affût dans un fourré. Je lui explique où je veux aller. Il connaît bien les lieux et il m’explique le chemin : il me faut partir d’en bas, faire le tour du massif, monter sur la crête, et descendre dans la combe où je veux aller.
Retour dans la plaine de Prémeyzel. Les explications étaient claires mais le chemin à pied est long. Arrivé près de la crête, je surprends un chasseur à l’affût. Il m’explique qu’il y a une battue au sanglier exactement dans la zone où je veux aller, et que la zone est très dangereuse ! Sur la crête je retrouve ce que j’avais cru être un toit vu d’en bas, c’est en fait un tas de bois recouvert par une bâche orange. Le signal de la M2K2 est très fort. La porteuse continue est toujours 59. J’avance en direction du signal, mais je tombe nez à nez avec un second chasseur qui m’avait mis en joue. Les chiens courent partout à toute vitesse mais je ne les intéresse pas ; pour eux je ne suis manifestement pas le gibier. Les chasseurs ont tous une casquette orange et certains un gilet fluo, alors que moi avec une veste sombre et un jean, je ne suis pas très voyant … Je suis manifestement au milieu de la battue aux sangliers,
et je n’ai pas envie de finir en bavure au milieu de ce groupe de chasseurs pour lesquels ma présence est manifestement non désirée. Ils me demandent de chanter ou de siffler en permanence. Je compte tout fort « 1,2,3 » en répétition.
La forêt est très dense. Je suis bien à l’endroit repéré avant de monter (en N 45,666 – E 5,628). Et toujours ces bois de buis très serrés, qui conservent la pluie qui continue de tomber par averses, et des arbres très hauts au-dessus. Le signal est très fort, 59 avec 20dB d’atténuation pour la faible porteuse de la M2K2 ; la 5 éléments indique le sommet des arbres. Je cherche dans les cimes, mais une seconde fois je me retrouve en joue par un nouveau chasseur. Et ce n’est pas du petit plomb ; comme le précédent chasseur, ce sont des vraies balles destinées à de grosses bêtes … J’ai alors pris la décision de décrocher de ces lieux rendus beaucoup trop dangereux. Chacun sa chasse, mais les armes sont très inégales en face de certains !
Dans la descente, les relevés confirment la localisation. Arrivé dans la plaine, d’autres chasseurs sont en poste au cas où un sanglier aurait réussi à s’échapper des bois.
Bilan de cet épisode : j’ai bien retrouvé le signal radio de la M2K2 à l’endroit où le parachute avait été localisé, mais les conditions locales et le danger d’être pris pour un gibier ne m’ont pas permis d’identifier l’arbre quand j’étais au pied de celui-ci.
Et surtout : à l’arsenal du parfait chasseur (de radiosondes) il faut absolument ajouter le gilet pare-balles avec la tenue fluo par-dessus : deux couches c’est mieux qu’une, en face de ces excités de la gâchette.