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Par Roland F5ZV
Cinq petites histoires de chasses
à la RS92-SGP d'Idar-Oberstein
Acte 1 : RS92-SGP Idar retrouvée à Wincheringen
(DL)
Il est midi moins le quart, je
viens d'échanger deux M2K2 de Brest contre la position
d'une RS92-BGP de Baumholder avec Jean-Luc F1ULQ. C'est Wolfgang
qui la lui a transmise, il l'a décodée jusqu'au
ras du sol.
Pas de carte, seulement un GPS de rando. Il m'indique qu'il me
faut parcourir 122km pour rejoindre le point de chute. La SGP
d'Idar vient juste de décoller et normalement elle retombe
dans le même secteur. Je m'arrêterai donc tout-à-l'heure
pour décoder la fin de sa chute ; en attendant, il faut
que je roule.
14h05 il me reste encore 25 km d'autoroute mais le signal baisse.
Je m'arrête sur une aire de repos juste devant un camion
dont le chauffeur tchèque est très vite intrigué
par les moulinets que je fais avec l'antenne pour chercher un
signal suffisant. C'est qu'il n'est pas bien fort ce signal mais
je réussirai quand même à obtenir un point
alors qu'elle n'est plus qu'à 560m. Ce n'est qu'au moment
de remballer le matériel que je me suis rendu compte que
l'atténuateur interne du récepteur était
enclenché...
Arrivé dans la zone je retrouve facilement le signal. La
sonde n'est bien sûr pas au point décodé,
ce serait trop facile mais en faisant un relevé je constate
que le signal est affecté par moment d'un QSB rapide. Trop
rapide pour que je conclue que la RS a été ramassée
par un quidam.
Mes relevés convergent sur une crête surplombant
la Moselle, une petite route m'y conduit. A peine arrivé
sur le dessus, le signal devient très vite énorme
puis redescend rapidement. On sait que, dans ce cas, la RS est
toute proche. En effet, j'aperçois à 50m un sac
en plastique blanc accroché dans des fils de fer barbelés,
je l'avais vu en passant en voiture mais m'étant fait avoir
plusieurs fois déjà, je n'y avais pas attaché
d'importance. C'est bien sûr le parachute qui flotte comme
un drapeau, agité par une bise assez forte. Idar utilise
des ballons avec un joli parachute blanc intégré
dans l'enveloppe avant le gonflage. Après l'éclatement
le parachute se trouve dont au dessus des lambeaux d'enveloppe.
Les risques d'emmêlage de l'enveloppe avec le parachute
sont moins élevés qu'en plaçant le parachute
sous l'enveloppe.
C'est en ramassant le boîtier que j'ai compris d'où
venait le QSB. Avant d'être arrêté par la clôture
le parachute gonflé par le vent avait traîné
sur plus de cent mètres le boîtier de la SGP dont
l'antenne GPS et le bras portant les capteurs étaient cassés
(photo ci-jointe).
Enseignement de cette chasse : un QSB irrégulier sur le
signal d'une RS au sol par jour de grand vent peut signifier que
le boîtier est traîné sur le sol.
Et la BGP de Baumholder me
direz-vous ? Et bien elle était crevée quand je
suis arrivé et je n'ai pas retrouvé visuellement
le cadavre.
Acte 2 : RS92-SGP Idar retrouvée à
Oberleuken (DL)
Voilà la suite. Rien de
bien épique, une chasse facile mais qui permet d'étudier
un peu le matériel et surtout d'essayer de deviner le point
de chute rien qu'en observant la trajectoire. Là, j'étais
quand même à 6km au moment où elle s'est posée.
Savez-vous ce qu'elles m'ont fait les deux SGP d'Idar du 1er mars
? Et bien elles ont trouvé moyen de se poser juste au dessus
de ma carte de France, à droite de ma carte de Belgique-Luxembourg
et à gauche de ma carte du Saarland-Pfalz dans l'ouest
de l'Allemagne. Vous me direz, oui mais tu avais la quadruple
carte de SM que tu avais bâclé la veille du départ.
Ben oui, mais je me suis planté dans la calibration de
la carte ce qui fait que Idar était à une quinzaine
de kilomètres à l'est d'Idar.
Moralité : toujours vérifier la calibration d'une
carte avant de lui faire confiance.
Pas grave, SM continue à décoder et va me fournir
une position me permettant de retrouver le signal sans effort.
Il fait nuit noire, sans carte et en pays inconnu, ce n'aurait
pas été facile de remonter le relevé de perte.
De relevé de perte, il n'y en eut pas car je n'ai jamais
perdu le signal. J'étais sur une colline avec une vue superbe
sur plein de petits et de gros paquets de points lumineux à
ma droite et à ma gauche. Le décodage s'est arrêté
et j'entendais encore faiblement le signal. Pas de QSB malgré
le vent, elle doit être au sol. 180 degrés, la direction
est compatible avec ce que SM a calculé (185° et 5,9km).
En vingt minutes je suis sur les lieux. Terrain plat et humide,
nuit noire, je profite de l'occasion pour m'exercer à estimer
la distance à l'aide du MVT-7100. Le décalage de
fréquence est efficace. Au bout de 300m je tente l'écoute
de l'harmonique 2 sur 805,400 : le signal est audible, elle doit
être à moins de 50m. En effet, je la découvre
au bout du faisceau de ma lampe, une trentaine de mètres
plus loin, dans un roncier. Le parachute est retombé de
l'autre côté d'une ligne d'arbres qui borde un petit
ruisseau que je traverse sans dommage grâce à mes
bottes d'agriculteur. Il flotte gentiment dans l'eau (le parachute,
pas l'agriculteur)...
Acte 3 : RS92-SGP Idar du 3/3/2011 12Z retrouvée
à Briey (54)
Voici mon troisième compte-rendu
que j'ai cherché à rendre instructif pour les visiteurs
peu avertis. L'action se passe dans le grand Nord-Est, là
où fumaient les hauts-fourneaux à l'époque
de Germinal (et des années 1970).
Quand on se sert de SM pour
décoder une RS on cherche à se positionner au plus
près du point de chute pour capter la dernière trame
avant l'impact et obtenir une position précise. Il y a
bien une autre raison, plus secrète car faisant partie
d'un rêve : celui de voir retomber une radiosonde. Pour
cela il faut qu'elle retombe lentement, ne dérive pas à
plus de dix ou vingt km/h et que le plafond nuageux soit le plus
haut possible. Ou alors il faut beaucoup de chance.
Pour l'instant; la RS92-SGP est en phase de montée. Je
compare sa position réelle à celle qui a été
calculée avec Ballon-Track et je constate qu'elle retombera
plus au sud et à l'est que prévu.
Eclatement. Là, c'est clair, elle est 0.3 degrés
trop courte. Sur ma carte, je trace une droite qui passe par le
centre météo d'Idar et le point d'éclatement
décodé par SM. La distance entre les deux points
est de 135mm sur le papier. Si la RS tombe très lentement
elle retombera deux fois plus loin, soit 135mm encore ; si le
parachute se met en torche, elle pourra parcourir deux fois moins
de trajet, soit 70mm. Il me reste à choisir un point d'attente
dans ce secteur. Tiens, Trieux (54) a l'air pas mal : près
d'une route importante, sur une butte bien dégagée
et à moins d'une demi-heure de l'endroit où je stationne.
Je décode en roulant. Quand la conduite me le permet, je
jette un coup d'oeil sur les voyants de la fenêtre "Processing
SGP sonde". Ils sont au vert, roulons. L'altitude diminue
mais la vitesse de chute est faible : -3m/s, je calcule mentalement
que j'ai encore un bon quart d'heure pour faire les cinq kilomètres
restants et pour m'installer.
Une petite rue dans le village, bien dégagée sur
le sud. Je sors le mât et j'y installe la 5 éléments
de Wolfgang en polarisation verticale. Signal très fort,
encore 800m à chuter. La vitesse GPS est positive maintenant,
la sonde changerait-elle d'avis pour aller se poser ailleurs ?
Non, il ne faut pas trop se fier aux vitesses instantanées,
surtout la vitesse verticale.
Impact. Plus de décodage, le signal est très faible
mais la direction relevée à la boussole est nette
: 158° (en réalité j'aurais dû trouver
163°). Toutefois un léger QSB m'incite à penser
qu'elle est suspendue dans un arbre et tourne sur elle-même
sous l'action de la forte bise.
Trois quarts d'heure plus tard, je suis à moins de 20m
du boîtier mais je ne pourrai m'en approcher plus car elle
est en haut d'un hêtre et ne risque pas de descendre tout
de suite car son parachute est tiré par le vent (photo).
Dans quelques jours de ce régime la ficelle sera coupée
et on la retrouvera au pied de l'arbre. Sa position est 49.26853
/ 5.94555 à quelques kilomètres au nord de Briey.
Acte 4 : RS92-SGP Idar du 3/3/2011 18Z retrouvée
à Moyeuvre-Grande (54)
Quatrième épisode
où nous verrons qu'un crayon, un rapporteur et une feuille
de papier peuvent rendre plus de service qu'un GPS routier là
où il n'y a pas de route.
Les fidèles lecteurs
de mon dérisoire feuilleton se souviennent sans doute de
ma méthode pour choisir une position d'attente de la chute
d'une radiosonde dont on peut décoder la position. Je vais
l'appliquer ce soir 3 mars 2011 pour la RS92-SGP de 18Z lâchée
par Idar-Oberstein (DL). Je n'ai pas de prévision récente
mais comme le windgram prévisionnel montre que la bise
va souffler régulièrement toute la semaine, il est
probable que la RS de 18Z va suivre les traces de sa copine de
12Z. Cette dernière était longue, elle avait chuté
très lentement. Par prudence, je vais me rapprocher du
lieu de lancement d'une quinzaine de kilomètres, car les
stats nous enseignent que les situations extrêmes sont plus
rares que les situations normales.
Je suis sur un point haut superbement dégagé, au
dessus de Distroff (57), assez loin du relais TV pour que mon
récepteur ne soit pas gêné. Ben oui, j'avais
repéré un beau point haut sur la carte sans remarquer
qu'il était déjà occupé. Arrivé
sur place, j'ai compris tout de suite que je n'y entendrais pas
grand chose.
Pas de chance, la trajectoire sera très longue. La vitesse
de chute est en effet un peu plus grande que celle de midi mais
en plus les vents semblent avoir forci. Elle passe exactement
à la verticale du point où je me trouve, à
7200m d'altitude mais je perds le décodage pendant quelques
minutes, même en dirigeant la 5 éléments vers
le ciel. En fait, je suis dans l'axe de son antenne, l'atténuation
est énorme. Je la laisse partir comme on laisse filer un
chien au bout d'une longue laisse, sûr de connaître
son secteur de chute avec assez de précision.
J'ai un point : 49.26 / 5.99 à 718m, c'est tout près
de Briey où j'étais en fin d'après-midi...
Pas grave, j'aurai vu du pays : Rosselange, Mondelange, Hayange,
Uckange... Z'ont pas beaucoup d'imagination pour trouver des suffixes,
les topologues du coin. Ah si, vous savez comment s'appelle l'endroit
où est retombée ma sonde ? "Froidcul"
! Bien choisi car il n'y fait pas chaud.
Un chemin forestier tout droit, le signal est fort. Un relevé
: 155 degrés. J'avance de 800m au compteur, un deuxième
relevé : 215 degrés. Le chemin est orienté
au 285 degrés. Une feuille de papier, la règle et
le rapporteur et je commence par tracer un axe à 0 degrés
: le nord. Ensuite, le chemin (double trait) au 285. Un point
A et son relevé au 155, un point B sur le chemin 8cm plus
loin et je trace son 215 degrés. Le point d'intersection
C est la position de la RS. Longueur du segment BC : 7cm, donc
700m. (image ci-jointe)
Je suis bien garé, j'y vais. Sac à dos, lampe frontale
(il fait nuit noire), pocket 144, bottes... La progression est
relativement facile, je trouve même un chemin qui me mène
à 20m de l'arbre où la RS est accrochée à
20m de haut. C'est une tradition dans le coin. Vous ne la verrez
pas en photo, il m'a fallu deux lampes (des vraies, pas des lumignons
à diodes LED) pour voir un reflet sur les petits volets
en plastique qui cachent les connecteurs.
Point GPS, calcul de la distance jusqu'au véhicule : 702m
! Bon, faut pas rêver, ç'aurait pu être 500
ou 900m...
Acte 5 : RS92-SGP Idar du 5/3/2011-12Z retrouvée
à Herborn (LX)
Pas de prévision pour cette RS92SGP d'Idar du vendredi
4/3/2011 à 12Z. Comme il y a des chances qu'elle vienne
à ma rencontre si je vais dans sa direction, par pure sympathie,
je mets le cap vers Luxembourg, le récepteur calé
sur 402.700 MHz. 11h58, le signal se fait entendre, 12h32 premiers
points décodés. Elle est déjà vers
15000m et se dirige plein ouest, me laissant entrevoir un point
de chute au nord-ouest de la ville de Luxembourg. Si elle tombe
lentement j'ai une heure devant moi pour rejoindre la zone, j'ai
tout mon temps. Si elle tombe rapidement, il vaudrait mieux que
je me place sur une hauteur bien dégagée vers le
nord. J'opte par prudence pour cette deuxième solution.
On ne sait jamais.
On ne sait tellement jamais que quand je suis arrivé sur
le point bien dégagé j'entendais effectivement un
signal très fort sur 402.700 mais ce n'était plus
celui de ma Idar, je m'en suis rendu compte très vite en
voyant l'altitude qui augmentait régulièrement.
C'était sans doute la SGP de De Bilt : j'avais perdu la
mienne ! Mais le dernier point à 5000m exactement allait
m'être bien utile. J'avais une direction : 71° et une
distance, 26km ; j'allais me la faire en semi-bio.
Et bien ça a été une aventure.
D'abord, 10km plus loin, à 15h02, un signal au 150°
très faible et avec un QSB rapide, comme si la RS chutait.
Surprenant, mais on verra bien. De toutes façons la route
va dans cette direction.
15h21 sur une crête où je m'attendais à retrouver
un signal plus fort dans la même direction, voilà
que c'est au 62° que je l'entends, dans la direction d'un
groupe de deux fois trois pylônes. Allons-y.
Surprise, la carte me révèle qu'il s'agit des antennes
LF de Radio-Luxembourg, d'abord l'émetteur de secours de
Junglinster et un peu plus loin celui de Beidweiler que toute
l'Europe peut capter sur 234kHz grâce à ses 2MW et
ses pylônes de 290m (photo ci-dessous).
Quelques kilomètres plus loin, au hasard de mes errements
sur les petites routes de la campagne luxembourgeoise, qu'est
ce que je vois à la sortie d'un virage ? Un troupeau de
paraboles tournées dans tous les sens. Qu'est ce que ça
peut être ? Je délaisse ma RS et prends la petite
route qui mène au site. J'y apprends que je suis à
Betzdorf, le siège d'Astra, d'où sont pilotés
les satellites du même nom. Et ben dis donc, c'est pas rien
(photo ci-dessous).
Bon, avec tout ça j'en oubliais presque ma RS. J'ai perdu
le signal avec mes détours touristiques. Il faut que je
me recentre sur l'axe de mon dernier relevé. Quelques kilomètres
de routes sinueuses, un relevé depuis une butte, ça
y est, le voilà, plein nord. Je trace, il me reste à
rejoindre le point d'intersection de mes deux relevés,
à Herborn où je retrouve la RS allongée de
tout son long dans un champ fangeux. Il me reste quatre heures
de route pour rentrer au QRA après avoir gratté
mes bottes.
De cette journée magnifique je garderai quand même
plusieurs enseignements. D'abord qu'il faut se méfier des
habitudes : quatre RS qui chutent à moins de 250m/mn et
la cinquième qui se précipite à plus de 500m/mn
(pas pu calculer plus précisément car je n'ai pas
la fin de la trajectoire). Ensuite, qu'il faut se méfier
des autres RS en l'air, je ne sais pas quelle est l'origine du
signal entendu nettement au 150 degrés, ce ne pouvait pas
être "ma" SGP car j'étais dans un trou
et elle aussi, à 18km. Et De Bilt avait disparu.
des VLF (Beidweiler Radio-Luxembourg.)... | ... aux hyperfréquences (Betzdorf Astra) |