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Le barographe à minima-maxima de Gustave HERMITE

Retour : Retour : 01- Généralités - Les ballons-Sondes de 1892 à 1900

par Roland, F5ZV

Voir aussi : - Caractéristiques de l'atmosphère - La troposphère - Les "Aérophiles", ballons-sondes des années 1890 - Calcul de la pression atmosphérique avec la loi de Laplace - Le météorographe - Les premiers ballons-sondes, par BESANÇON et HERMITE (1892) -


  Quand, en 1891, Georges BESANÇON et Gustave HERMITE décident de consacrer une partie de leur temps à l'exploration de la haute atmosphère à l'aide de ballons-sondes, ils se heurtent à un des problèmes qui a découragé bien des scientifiques avant eux : la conception et la mise au point d'un enregistreur graphique léger, peu coûteux et robuste capable de mémoriser de façon fiable et précise la température, la pression ou l'hygrométrie dans les hautes régions de l'atmosphère.
  
Le problème

  En 1891, les fabricants d'instruments de mesure proposaient depuis longtemps des appareils de grande qualité permettant de tracer sur une feuille de papier les variations de la température ou de la pression de l'air. Conçus pour être utilisés au sol et dans une gamme de mesures restreinte, ces appareils sont inutilisables lorsque la température descend en dessous de -50°C : l'encre gèle, l'huile du mécanisme d'horlogerie se fige... En outre il sont lourds et relativement fragiles, le choc à l'atterrissage les détérioreraient la plupart du temps.
  Tout cela, Gustave HERMITE le sait parfaitement. Il est conscient que la mise au point de l'appareil idéal va prendre du temps et nécessitera un savoir-faire que même les spécialistes de la maison Jules Richard ne maîtrisent pas encore. Dans un premier temps, il se contentera de mesurer l'altitude maximale atteinte par le ballon (ou plus exactement la pression minimum rencontrée), sans demander à l'appareil de fournir la pression en fonction du temps.

La solution

  Le capteur de température le plus léger est, en 1890 et pendant très longtemps encore, la capsule de Vidie ou capsule anéroïde. Le baromètre à mercure, trop lourd, trop fragile et trop coûteux pour être confié à un ballon perdu est réservé aux laboratoires. Le tube de Bourdon, qui sera quand même utilisé par la suite, est à cette époque l'organe des manomètres, instruments de mesure de pression utilisés dans l'industrie.
  La capsule de Vidie est une boîte métallique cylindrique dont les fonds sont gaufrés de façon à être élastiques. Comme la boîte est étanche les deux fonds vont se rapprocher si la pression extérieure est supérieure à la pression interne et réciproquement. Mais l'astuce de Lucien VIDIE (1805-1866), physicien français qui l'a inventée, est d'avoir fait le vide (partiel) dans la capsule et d'y avoir placé un ressort qui empêche les couvercles de se rapprocher. Lorsque la pression extérieure est de 100 hectopascals, la force qui s'exerce sur les deux couvercles est faible et le ressort en les repoussant provoque l'augmentation d'épaisseur de la capsule. A 1000 hPa l'épaisseur de la capsule est plus faible. En amplifiant avec un système de levier la petite variation d'épaisseur on peut observer le déplacement de l'extrémité du levier ; ce dernier est appelé aiguille si son extrémité effilée se déplace devant un cadran. C'est le principe du baromètre anéroïde.
  Dans le barographe de Gustave HERMITE décrit ici, le levier-aiguille supporte une petite plaque de verre recouverte de noir de fumée (en la passant au-dessus de la flamme d'une bougie, par exemple) et cette lame se déplace proportionnellement aux variations d'épaisseur de la capsule. Un style (une sorte de pointe à tracer) de forme coudée est fixé sur la carcasse de l'appareil ; son extrémité très finement acérée frotte légèrement sur la plaque de verre et y trace un arc de cercle lorsque celle-ci se déplace.
  La masse de l'appareil n'est que de 75g.

 
 La capsule de Vidie (rep. B) en se dilatant provoque le déplacement de la plaque de verre enfumée (rep. P) perpendiculairement à l'écran tandis que la pointe du style S frotte et laisse une trace fine dans le noir de fumée    P : plaque de verre couverte de noir de fumée
 S : style muni d'une pointe acérée
 B : capsule de Vidie
 R : ressort s'opposant à la pression atmosphérique
 A : articulation du support de la plaque

  Après avoir atteint l'altitude maximale, le style revient en arrière sur sa trace. Après le vol, il suffit de placer l'appareil sous une cloche à vide munie d'un manomètre pour reproduire le déplacement de la plaque jusqu'à ce que la pointe du style atteigne l'extrémité de la trace. La pression mesurée, corrigée à l'aide de la loi de Laplace, correspond à l'altitude de culmination du ballon.
  L'appareil a été utilisé sur un des tout premiers ballons-sondes, le 4 octobre 1892, mais la nacelle n'a pas été retrouvée. C'est sur le ballon du 11 octobre, retrouvé à Montdauphin (77), qu'il permit de mesurer l'altitude de 1200m. Le 4 octobre, il était associé à un thermomètre à minima-maxima. Par la suite des ballons plus gros, les Aérophiles, ont emporté de véritables enregistreurs de pression et de température.
Le métorographe de Jaumotte n'est pas sans rappeler ce petit barographe élémentaire.

Bibliographie, sources et notes

01 : L'exploration des hautes régions de l'atmosphère par Charles-Edouard GUILLAUME - La Nature, revue des sciences - 05/12/1892
02 : L'exploration de la Haute Atmosphère par Gustave HERMITE - L'Aérophile n°4 de 1893
03 : Comptes-rendus hedomadaires des séances de l'Académie des sciences - 21/11/1892 - (Gallica-BnF)   
04 : Compte-rendu de la séance du 15 décembre 1892 de la Société Française de Navigation Aérienne publiée dans l'Aéronaute 1893-02 - (Gallica-BnF)
05 : Les ballons-sondes de MM. HERMITE et BESANÇON et les ascensions internationales - Wilfrid de FONVIELLE - Gauthiers Villard - 1898
06 : L'invention du ballon-sonde - Michel ROCHAS - La Météorologie - 2003