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par Roland, F5ZV
Voir aussi : - Caractéristiques
de l'atmosphère - La
troposphère - Georges
BESANÇON - Gustave HERMITE
- Les "Aérophiles",
ballons-sondes des années 1890 - Le
météorographe - Le
barographe à minima-maxima de Gustave HERMITE -
Les ascensions internationales
- Les premiers ballons-sondes allemands
1894-1899 - Fonctionnement d'un
ballon-sonde des années 1890 -
Dès les premiers vols de Jean-François
PILATRE de ROZIER et du marquis François Laurent d'ARLANDES
en montgolfière, d'une part, et l'ascension du physicien
Jacques CHARLES avec le ballon à gaz de sa conception,
d'autre part, les savants de l'Académie royale des sciences
ont vu la possibilité d'observer et de mesurer ce qui se
passait au-dessus des nuages.
La première ascension scientifique de
l'Histoire fut celle de CHARLES qui s'était muni d'un baromètre
et d'un thermomètre dans la nacelle du ballon qui l'éleva
seul à près de 3000m le 1er décembre 1783
[01] après qu'il eut déposé son coéquipier
dans la plaine entre Hédouville et Nesles-la-Vallée
(95). Peu de temps après il y avait déjà
des voix, comme celle de l'astronome Pierre Charles Le MONNIER,
pour imaginer des ballons perdus emportant baromètres
et thermomètres dans les parties les plus élevées
de l'atmosphère. Il fallut cependant attendre presque 120
ans pour que leur rêve trouve un début de réalité.
Entre-temps de nombreuses ascensions avaient été
consacrées à l'étude de l'atmosphère
jusqu'à des altitudes proches de 9000m.
Hermite et Besançon
En 1890, Gustave
HERMITE et Georges BESANÇON,
sont deux amis passionnés par l'aérostation et les
sciences. C'est l'époque des grandes explorations et ils
envisagent de rejoindre le pôle Nord en ballon. Ce projet
un peu fou (l'explorateur suédois Salomon August ANDRÉE
qui le reprendra à son compte en 1897 n'en reviendra pas)
n'ayant pas pu se réaliser faute de financement, ils n'avaient
pas pu assouvir ainsi leur passion commune pour l'aérostation
et pour l'exploration ; c'est alors qu'ils décident de
se tourner vers des ascensions plus accessibles et moins risquées
basées sur l'expérimentation de ballons de quelques
mètres-cubes. A défaut des grands froids des grandes
latitudes, ils allaient mesurer la température des grandes
altitudes, sans quitter la France, à part bien sûr
pour aller récupérer quelques précieuses
nacelles tombées à l'étranger.
Photo ci-contre : Gustave HERMITE et Georges BESANÇON
dans la nacelle du Balaschoff en 1898
Essais préliminaires
Telle que l'imaginent HERMITE et BESANÇON en 1891,
l'exploration des régions élevées de l'atmosphère
à l'aide de ballons non montés devrait se dérouler
de la façon suivante :
1- Utilisation de petits ballons, très peu coûteux,
capables d'enlever une charge utile de quelques kilogrammes représentée
par les instruments enregistreurs. Le ballon, ouvert à
la base, n'éclate pas ; il perd un peu de son gaz au fur
et à mesure de la détente due à la baisse
de pression de l'air ambiant et finit par plafonner. Ensuite,
à cause de la porosité de l'enveloppe, le gaz qui
reste s'échappe lentement et le ballon redescend tout doucement,
comme une radiosonde de 2016 sous son parachute.
2- Suivi de la trajectoire au sol pour tenter d'estimer la force
et la direction des vents.
3- Arrivée au sol en bon état, la nacelle doit être
retrouvée, récupérée avec précaution
et confiée à l'autorité (l'instituteur, le
maire ou les gendarmes) qui se chargera de prévenir les
envoyeurs et de lui retourner le tout par voie postale.
4- L'enregistreur doit être fiable, précis, léger
et bon marché car il est certain qu'il s'en perdra un certain
pourcentage.
C'est justement ce pourcentage qui préoccupe
les deux expérimentateurs. Avant tout, il faut s'assurer
que ces ballons seront retrouvés par quelqu'un, que les
appareils ne seront pas brisés en arrivant au sol et qu'au
bout du compte il sera possible de les récupérer
pour prendre connaissance des mesures effectuées et, si
possible, les remettre en état pour une nouvelle utilisation.
Ensuite il faut savoir quelle distance peut parcourir et quelle
altitude maximale un petit ballon peut atteindre avec un enregistreur,
et surtout avec quel type d'enregistreur [07].
Bref, il ne suffit pas d'avoir l'idée, il faut
trouver des solutions pour que le rêve des JOBERT et autres
théoriciens puisse se réaliser.
La première étape débute en mars
1892. Son but est d'estimer les chances de récupération.
Elle consiste pour HERMITE et BESANÇON à envoyer
presque chaque jour, depuis le balcon de leur appartement du boulevard
de Sébastopol à Paris, un ballonnet en papier d'un
mètre-cube environ gonflé au gaz d'éclairage,
sous lequel est attaché une carte-réponse [03].
La moitié des ballons seront retrouvés, ce qui est
déjà un résultat très encourageant.
Les chasseurs de radiosondes de 2016 peuvent imaginer la tête
des paysans et des promeneurs de 1892 tombant sur une enveloppe
de ballon en papier, flasque et souvent détrempée
par la pluie...
Rassurés sur les possibilités de récupération
de leurs ballons, les deux chercheurs décident de passer
à la vitesse supérieure : mettre au point un ballon
capable d'emporter le plus haut possible une charge de quelques
kilogrammes. Un calcul simple indique qu'un volume de plusieurs
dizaines de mètres-cubes va être nécessaire.
L'espace indispensable pour le lancement et la quantité
de gaz requise les incite alors à opérer depuis
l'usine à gaz de Noisy-le-Sec (93), au nord-est de la capitale.
Georges BESANÇON s'occupe de la fabrication des ballons,
HERMITE de celle des enregistreurs [03]. Le papier ne convenant
guère pour des volumes supérieurs à 20m3,
il leur faut bien vite envisager l'utilsation d'enregistreurs
très légers. Mais avant cela un premier succès
va récompenser leur persévérance.
Premiers sondages
C'est le 17 septembre 1892 que le premier lâcher
connu de ballon-sonde a lieu. En effet, les ballons précédents
n'emportaient pas de sonde digne de ce nom. Ce jour-là,
un ballon de papier de 4 mètres de diamètre gonflé
au gaz d'éclairage décolle de Noisy-le-Sec (sur
le site de l'usine de production de gaz) en emportant un barographe-minima
à mercure d'une masse de 1200g. Malgré sa fragilité
l'appareil de mesure a supporté le choc à l'atterrissage.
Il n'est pas monté bien haut car une averse a soudainement
surchargé l'enveloppe d'humidité mais l'expérience
était concluante. Les ballons suivants sont de volumes
plus modestes comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous
(liste incomplète) et les baromètres sont du type
utilisant une capsule de Vidie [03] :
date | Type d'enveloppe | V (m3) | Instruments | Heure | Altitude | T°C | Lieu de chute | Remarques |
04/10 | Papier verni | 5 | Baromètre et thermomètre à minima, 230g | 11h20 | - | - | Ballon non retrouvé | |
11/10 | Baudruche | 0,371 | Baromètre, 75g | 15h35 | 1200m | - | Montdauphin (77) | |
14/10 | Baudruche | 0,371 | Baromètre, 110g | 13h40 | - | - | Orry-la-ville (60) | Instruments détériorés par les découvreurs |
19/10 | Papier | 15 | Baromètre, 120g | 17h50 | 3350m | Chamarande (91) | Ballon peu gonflé | |
29/10 | Papier | 5 | Baromètre, 150g | 12h30 | - | - | Tombé Rue Paradis peu après le départ | |
29/10 | Papier pétrolé | 5 | Baromètre, 150g | 15h55 | 2000m | - | Fontaine-Chaalis (60) | |
31/10 | Papier pétrolé | 5 | Baromètre, 150g | 13h45 | - | - | Ballon non retrouvé | |
02/11 | Baudruche | 4 | Baromètre, 120g | 15h40 | 8700m | - | Ervy (10) | Gonflé complètement |
14/11 | Baudruche | 4 | Baromètre et thermomètre à minima, 260g | 13h30 | 7600m | -10°C | Vauciennes-Chavres (60) | Gonflé complètement |
17/11 | Baudruche | 4 | Baromètre et thermomètre à minima, 260g | 10h45 | 8200m | -18°C | Goyencourt (80) | Gonflé complètement |
20/11 | Papier pétrolé | 5 | Baromètre et thermomètre à minima, 200g | 20h40 | 6600m | -19°C | Voulton (77) | Gonflé aux 2/3 |
27/11 | Papier pétrolé | 5 | Baromètre, 120g | 15h10 | 9000m | - | Ste-Florence (85) | Gonflé à moitié |