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 Les principes du codage chronométrique pour les premières radiosondes
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Voir aussi : Les débuts du radiosondage 1920-1945 - Les radiosondes à tubes de 1940 à 1970 - Le système de codage de la radiosonde O.N.M. - Radiosonde indienne années 1950 -


Le qualificatif "chronométrique" dans le titre de cette page laisse entendre que les grandeurs physiques (température, pression...) seront codées, c'est à dire transformées, en durées.

La thermoradio-sonde de 1929

Les premières radiosondes de Robert Bureau lancées début 1929 étaient équipées d'un système de codage basé sur un tambour isolant en ébonite recouvert d'une feuille de cuivre découpée en forme de triangle et dont l'hypoténuse formait une hélice. Ce système simple permettait de transformer une grandeur physique variable (la température, en l'occurrence) en une durée qui lui était proportionnelle, pour manipuler l'émetteur et lui faire transmettre un "top" de durée variable.
Pour faciliter le décodage au sol, il avait introduit un système supplémentaire qui découpait finement le top de transmission en une série d'impulsions s'inscrivant sur le papier d'un enregistreur graphique. Il suffisait de compter le nombre des impulsions transmises et de le comparer avec la feuille d'étalonnage propre à la radiosonde en vol pour connaître avec une précision satisfaisante la température à une altitude particulière.
Sur la figure ci-contre, publiée dans la revue La Météorologie deux ans plus tard, en 1931, on peut distinguer quelques-uns des organes qui nous intéressent :
T : tambour isolant entraîné par le moulinet à une vitesse qui devait être de l'ordre de quelques tours/minute
C : feuille métallique assurant le contact électrique
L : levier généralement appelé "style" amplifiant les déformations du capteur de température et frottant sur le tambour. Il forme ainsi un interrupteur électrique avec la feuille de cuivre C
M
: moulinet animé par le vent de la course provoqué par la vitesse de montée du ballon
R : roue dentée servant à la production des impulsions

Comme le fonctionnement de l'ensemble ne saute pas aux yeux à prime abord, nous allons en décomposer les principes de base tels qu'on peut les déduire de l'examen de cette photo et les observer sur des radiosondes similaires et postérieures. Des premières thermoradio-sondes il ne reste apparemment que cette photo et quelques descriptions vagues...




Le principe du tambour de codage

Le dessin ci-contre représente le tambour de codage de la thermoradio-sonde avec sa partie isolante en noir et la partie conductrice en rouge.

Le levier qui amplifie les déformations du bilame mesurant la température est muni à son extrémité d'une pastille qui frotte sur le tambour ; même si son mouvement est plutôt une rotation, nous considérerons qu'il se déplace en translation comme indiqué par la double flèche entre les positions extrêmes a et b

Sur le dessin, le rectangle à droite du tambour symbolise la surface du cylindre déroulée, avec ses deux zones : l'une conductrice et l'autre isolante. Les traits discontinus rouge et bleu montre le trajet de la pastille de contact pendant la rotation du tambour lorsque le levier se trouve respectivement en a et en b.
On voit que le trajet de la pastille sur la partie cuivrée est beaucoup plus court lorsque le levier est en position a. Le temps pendant lequel la pastille est en contact avec la partie conductrice du cylindre est donc plus court. Il suffit de brancher un fil électrique sur le levier et un autre sur la partie cuivrée pour obtenir un interrupteur dont le temps de fermeture sera proportionnel à la température.
On pourra objecter que la durée pendant laquelle cette sorte d'interrupteur est fermé dépend aussi du temps mis par le tambour pour faire un tour, et que ce temps dépend de la vitesse de rotation du moulinet qui dépend elle-même de la vitesse de montée du ballon. C'est fort bien raisonné, les techniciens qui ont mis au point les premières radiosondes y avaient bien sûr pensé et ils ont trouvé deux parades :
- l'utilisation du rapport cyclique
- le remplissage du créneau de temps (le "top" évoqué dans le premier paragraphe) pendant lequel l'interrupteur est fermé par des impulsions de durée proportionnelle à la période de rotation du tambour.

Avant d'examiner tour à tour ces deux solutions, regardons un peu ce qui se passe pendant une rotation du tambour.





Formation du créneau

Reprenons le rectangle symbolisant la surface du tambour mise à plat (repère A sur la figure ci-contre).
Le "0" indique la position de début d'un tour de tambour et "360°" la fin du tour (qui est aussi le début du tour suivant). Comme ce n'est pas facile de raisonner avec le début à droite et la fin à gauche (sans doute à cause de cette vieille habitude d'écrire de gauche à droite), retournons la figure (A) pour obtenir la figure (B). Et profitons de l'occasion pour en juxtaposer trois qui représenteront trois tours de tambour consécutifs (figure (C).




Pour faciliter notre raisonnement nous décidons que le tambour fait un tour en 10 secondes et que le déplacement de la pastille de contact fixée à l'extrémité du levier (autrement dit le "curseur", comme dans un potentiomètre) a une amplitude de 10 degrés Celsius, de 10 à 20 degrés, entre la position
a et la position b.
Supposons encore que la température est passée de 19 à 11°C en 50 secondes. Le curseur va parcourir la circonférence du tambour et sa trace correspondra au trait de couleur magenta de la figure ci-dessous. Entre les moments 0 et 7 secondes le contact entre le curseur et le tambour sera fermé, ce qui correspondra au premier créneau émis. Au cinquième tour de tambour (à partir de la 40ème seconde) le créneau émis aura une durée de 3 secondes. Ces créneaux sont représentés en magenta dans la moitié inférieure de la figure : le "O" correspond au contact ouvert et le "I" au contact fermé.



Le signal reçu au sol aura l'allure de la partie inférieure de la figure une fois tracé sur une bande de papier : une série de créneaux dont la largeur unitaire dépend de la température et dont la position sur la bande correspond au moment où la mesure a été effectuée.
A partir de cet enregistrement graphique, il est facile à l'opérateur chargé du décodage de mesurer la longueur du créneau par rapport à la longueur d'un tour (avec un triple-décimètre si le signal est tracé sur papier), par exemple 70 et 100mm si la bande se déroule à 1cm/s, et d'en déduire la durée comme s'il avait eu un chronomètre en main.

Un ballon en latex a une vitesse de montée que l'on peut considérer comme constante (voir : Variations de la vitesse de montée d'un ballon-sonde), il est même possible de la calculer avec une bonne précision. Par contre la vitesse de rotation du moulinet en fonction de la vitesse n'est pas régulière car la densité de l'air décroît avec l'altitude et par conséquent la force exercée sur les pales du moulinet tend vers zéro. La période du signal (T=10s dans notre exemple) va donc augmenter progressivement et la durée du créneau (t=7s ici) augmentera également dans les mêmes proportions.
Pour s'affranchir de la variation de vitesse de rotation du tambour de codage, il suffit donc de se servir du rapport entre t et T, c'est à dire du rapport cyclique du signal reçu, symbolisé habituellement par la lettre grecque alpha :


Remplissage du créneau avec des impulsions

Mesurer une durée avec un triple-décimètre n'est pas pratique car en plus il faut déterminer la période de rotation du tambour et calculer ensuite le rapport cyclique. Une solution plus efficace est de remplir le créneau transmis avec des impulsions de période connue qui seront sur le papier autant de petites marques jouant le même rôle que la gravure millimétrique du triple-décimètre. Il suffit alors de compter les marques sur toute la longueur du créneau. Pour faciliter le comptage, la dixième marque est supprimée, de la même manière que la dixième marque millimétrique est remplacée par le trait des centimètres sur un triple décimètre. L'opérateur n'a plus qu'à compter le nombre de paquets et le nombre de marques des paquets incomplets.

La résolution de la mesure est liée à la finesse des impulsions, ou plutôt à leur période. Dans notre exemple la température de 19° se traduit par 27 impulsions (1er créneau sur la figure) tandis que celle de 11° (à partir de la 40ème seconde) en utilise 11, une différence de 8 degrés est donc représentée par une différence de 16 impulsions. Avec une différence de 2 impulsions par degré la résolution est de 0,5°C. En pratique il est judicieux d'avoir une résolution meilleure que la précision de la mesure.



Application pratique

Le dessin ci-contre ne représente pas une radiosonde particulière, il s'inspire de la "thermoradio" dont un détail est montré en début de page et de la "radiosonde indienne" qui en illustre la fin ; mais on en retrouve des détails dans la plupart des radiosondes utilisant un mécanisme pour le codage des informations.
V : vent provoqué par la montée du ballon agissant sur le moulinet M
M
: moulinet entraînant en rotation l'étoile E et la vis-sans-fin Vsf
E : étoile à 10 dents (moins une) actionnant le contact K
K
: lame souple formant interrupteur avec l'étoile E
F
: fil électrique reliant le contact K à la borne a
L : levier se déplaçant sur la génératrice du cylindre en fonction de la déformation du bilame métallique (non représenté)
C : partie cuivrée du cylindre T
T
: tambour cylindrique isolant recouvert d'une feuille de cuivre
A : arbre métallique relié à la feuille de cuivre
R : roue dentée solidaire de l'arbre A
Vsf
: vis-sans-fin formant le système de démultiplication de vitesse avec la roue R
a et b : bornes électriques à relier à l'émetteur pour le moduler.

Si la roue dentée
R comporte 50 dents, il faut 50 tours de moulinet pour que le tambour R fasse un tour complet. Pendant ce temps, l'étoile E a frotté 10 fois (moins une) sur la lame de contact K à chaque tour de moulinet, c'est à dire 500 fois.
De cette façon la gamme complète des températures (par exemple) qui s'étale de -70 à +30° sera codée avec une résolution de 100/(50*10) = 0,2°C
Le nombre d'impulsions générées par la fermeture et l'ouverture du contact K par tour de cylindre est égal au nombre de dents de la roue R. Il est donc constant quelle que soit la vitesse de rotation du moulinet

Lorsqu'une dent de l'étoile touche la lame
K et que le levier L est en contact avec la partie cuivrée du tambour, le courant passe entre les deux bornes a et b. on est en présence de deux interrupteurs en série.




Mécanisme de la "radiosonde indienne"

Cette radiosonde très simple et rustique date des années 1950. Elle illustre assez bien les principes décrits. On y retrouve le cylindre de codage, le système de démultiplication par roue et vis-sans-fin, l'étoile et le contact de manipulation des impulsions...
Toutefois il ne faut pas comparer la description simplifiée précédente avec le fonctionnement réel de cette radiosonde car ici il semble bien que les impulsions soient émises lorsque les curseurs frottent sur la partie isolante.

 
 T : cylindre de codage
 
C : emplacement de la spirale métallique
 Lo : contact de référence
 Lt : levier du bilame métallique (thermomètre)
 Lu : levier du bilame métallique mouillé (humidité)
 Lp : levier du capteur de pression
 
R : roue dentée
   E : étoile
 K : contact générant les impulsions
 
R : roue dentée
 
V : vis sans fin


Modulation de l'émetteur

De la fermeture mécanique d'un interrupteur jusqu'à l'antenne il a été utilisé de nombreuses méthode de modulation de l'émetteur ; le terme "modulation" étant employé au sens large, qui inclut la manipulation par tout-ou-rien propre à la télégraphie par interruption de la porteuse. Les radiosondes de Robert Bureau, et beaucoup d'autres qui suivirent, utilisait le principe de manipulation par déplacement de fréquence du signal généré par l'émetteur, méthode appelée couramment FSK (frequency shift keying). C'est en agissant sur la valeur du condensateur du circuit oscillant que l'effet était obtenu, par exemple en mettant en parallèle avec ce dernier un condensateur de faible valeur.


Sources

- examen de diverses radiosondes de la collection de Payerne et en particulier les pièces RSM-037 et RSM-038
- "Le radiosondage de l'atmosphère" par Robert Bureau dans "Ciel et Terre" n°4 1937


Remerciements

- Radiosondeurs de Payerne