Durant la Deuxième guerre mondiale, le radiosondage
s'est fortement développé, non pas tant pour les
besoins de l'artillerie que pour ceux de l'aviation militaire.
La technologie des radiosondes a beaucoup évolué
dans le but de les rendre plus faciles à fabriquer en grandes
séries, plus légères et moins chères.
Jusqu'à la généralisation de l'emploi des
transistors, la plupart des radiosondes utilisaient en général
un tube (rarement plus), au départ une triode, pour la
réalisation de l'émetteur. La fabrication était
simple, faisant surtout appel à des opérations de
mécanique, y compris et surtout pour le codage des mesures
P, T et U. La lampe, qui avait permis dès 1929, l'avènement
du radiosondage, a été utilisée pendant 40
ans et ce, jusque dans les années 1990 sur 1680MHz. C'est
vers le milieu des années 60 que sont apparues les toutes
premières radiosondes entièrement transistorisées.
La transmission des informations
Quatre modes de transmission des valeurs physiques mesurées
(pression, température, humidité...) ont été
utilisés pour transformer l'information fournie par un
capteur (déformation, variation de résistance...)
et pour s'en servir pour moduler l'émetteur :
1- codage de la valeur et transmission en morse ou
en un certain nombre de tops, une tension de 1 volt se traduisant,
par exemple, en un groupe de 10 impulsions.. La première
radiosonde russe de Pavel
Moltchanov transmettait directement en morse (en fait uniquement
des points), ce qui facilitait à l'extrême le décodage
à la réception. Sur la photo ci-dessous on distingue
le "peigne", en forme d'arc de cercle, élément
essentiel du système de codage Moltchanov.
Ce principe de transmettre des informations en morse fut repris
dans les années 40 par la firme allemande Graw (Grawsonde
1939 et son Grawschen Sektor, radiosonde
H50 en photo ci-dessous
mais cette fois sous forme de points et de traits) et la M60,
encore utilisée dans les années 1980, ne fonctionnaient
pas autrement .
Le codage des informations est maintenant universellement utilisé,
grâce aux circuits logiques, lors de la numérisation
des signaux analogiques fournis par les capteurs.
2- transformation de la valeur en un créneau
de durée proportionnelle à la valeur à transmettre,
système mécanique simple. Principe utilisé
par Robert Bureau dès 1929. C'est le type désigné
en anglais par le terme de "chronometric radiosonde".
La radiosonde J-R3.2
fabriquée en 1963 par les sociétés suisses
Thommen et Hasler est basée sur ce principe. Ce créneau
de temps pouvait être rempli avec des tops qu'il suffisait
de compter à l'arrivée (voir : Le
système de codage de la radiosonde O.N.M.).
3- modulation en amplitude de l'émetteur avec
une tonalité BF de fréquence variable en fonction
de l'information à transmettre. La radiosonde Kew
MK1 de 1940 utilisait ce principe avec succès.
4- modification de la fréquence d'émission,
par exemple en utilisant la déformation d'un bilame pour
agir sur la capacité d'un condensateur. Principe assez
délicat à mettre en oeuvre pour conserver une bonne
précision. Dans les années 30 le capteur pouvait
être aussi un des composants des circuits de l'émetteur,
par exemple une des deux armatures d'un condensateur ou bien le
noyau d'une self. Un commutateur était utilisé pour
que soient transmises tour à tour chacune des grandeurs
mesurées. Paul Duckert utilisa ce principe pour sa première
radiosonde. Cette technique a été adoptée
par Vaisala pour sa RS11
mais en l'améliorant.
Ces quatre principes ont été utilisés pendant
longtemps. L'utilisation de modules à transistors a ouvert
la voie à d'autres systèmes comme la transformation
de la tension issue d'un capteur en une fréquence audible
utilisée pour moduler l'émetteur.
Radiosonde de fabrication
soviétique type Moltchanov
Radiosonde Graw H50
La montée en fréquence
Pour réduire les dimensions
des antennes aussi bien en réception qu'en émission,
le plus simple est d'utiliser une fréquence élevée.
C'est ainsi que Robert Bureau de l'Office National météorologique
(ONM) en France a utilisé d'abord des fréquences
proches de 5 ou 7 MHz à la fin des années 20
pour arriver vers 23 MHz vers 1934 et sur 28 à 30MHz à
partir de 1938, un doublet demi-onde sur 28MHz ne fait que 5m
de longueur environ. L'émetteur situé dans la sonde
est simplement relié à deux fils de 2,5m dont l'un
pend sous la sonde et l'autre est relié à la ficelle
accroché au ballon. L'émetteur est aussi plus compact
puisque les bobines des circuits oscillants ne comportent que
quelques spires. Les condensateurs variables éventuels
sont égalements moins encombrants. La photo ci-contre représente
l'émetteur d'une radiosonde belge des années 60
utilisant une double triode (12AU7) fonctionnant sur 27MHz. La
haute-tension nécessaire pour le fonctionnement du tube
est fabriquée à l'aide d'un circuit utilisant un
transistor de puissance et un petit transformateur, le tout alimenté
par quatre piles de 4,5 volts montées en série,
un principe qui était déjà utilisé
par William BLAIR vers 1924.
Cette bande de fréquences des 27-28MHz était encore
utilisée dans les années 1980 (ex : Graw M60)
mais elle avait un inconvénient : le suivi par radiogoniométrie
du signal émis par la radiosonde pour déterminer
le diagramme vertical des vents n'était guère possible.
L'utilisation d'un cadre comme sur 2 ou 3 MHz ne pouvait pas être
précise et la mesure de l'angle d'élevation était
quasi impossible, les antennes directives ne convenaient pas.
Il restait à monter en fréquence, d'abord sur 72
MHz avec des groupements d'antennes yagi directifs, puis en UHF
(bande des 400MHz) pour arriver en SHF (bande des 1680MHz) où
l'utilisation d'antennes à réflecteur parabolique
(antennes utilisées pour les radars) permettait une mesure
fine de la direction et de l'angle d'élévation de
la sonde grâce à la grande directivité de
ce type d'antenne aussi bien dans le plan vertical qu'horizontal.
La M60 était généralement suivie par radar.
Dans certains car l'émetteur habituel sur 27MHz de la radiosonde
était doublé par un émetteur sur 400MHz pour
le suivi par radio-théodolites
L'utilisation de fréquences de plus en plus hautes avec
des émetteurs basés sur un simple auto-oscillateur
avait pour inconvénient une dérive importante de
la fréquence due principalement aux variations de la température.
En 1935, la bande des 72MHz était déjà utilisée
aux USA, elle l'était encore après 1945 mais en
1947 la sonde Diamond-Hinman (USA) transmettait sur 395 MHz, rendant
possible le suivi précis par radiothéodolite, tandis
que la sonde britannique Kew MKII était sur 27.5 à
28MHz. Vers 1947 aux USA le suivi des radiosondes sur 72MHz était
assuré par un radiothéodolite sur remorque, le SCR-658,
équipée d'une antenne semblable à celle d'un
radar de l'époque.
Début des années 1950 les radiosondes suisses émettaient
sur 100MHz. La H50 (photo ci-dessus) de la firme allemande Graw
était déclinée en plusieurs versions : 27MHz,
93MHz et 152-155MHz.
Pour éviter les interférences lors des comparaisons
de radiosondes, (Uccle en 1965 ) on pouvait utiliser à
la fois la bande 27MHz et la bande 152 MHz.
Un peu plus tard, vers 1955, la firme française Metox proposait
une windsonde (un simple émetteur
embarqué suivi par radiothéodolite) sur 400MHz en
même temps que l'Allemand Sprenger dont la windsonde modèle
P24 permettait la mesure des vents en émettant dans la
bande 390-410 MHz.
Capteurs de pression
Comme le baromètre à
mercure était bien trop encombrant, cher, fragile... les
deux capteurs de pression utilisés d'abord sur les radiosondes
ont été la capsule de Vidie et le tube de Bourdon.
Ils sont basés sur le même principe : un récipient
déformable et étanche dans lequel on a effectué
le vide d'air. La pression atmosphérique a tendance à
comprimer le récipient mais un ressort (enfermé
dans la capsule de Vidi) ou bien la forme du récipient
(tube de Bourdon) limitent cette déformation. Cette dernière,
très faible pour de petites variations de pression, est
amplifiée à l'aide d'un système mécanique
à leviers. Les jeux, inévitables dans ce genre de
mécanisme, introduisent une incertitude dont les effets
sont modérés du fait que la pression varie toujours
dans le même sens, en diminuant avec l'altitude. D'autre
part, les frottements mécaniques provoquent un phénomène
d'hystérésis et d'inertie qui fait que la mesure
de pression, donc d'altitude, est décalée dans le
temps. Les anciens, utilisateurs de baromètres anéroïdes
à cadran, se souviennent qu'il était nécessaire
de tapoter l'instrument pour avoir une lecture actualisée
de la pression atmosphérique. La capsule de Vidie a été
utilisée jusque dans les années 2000 par certaines
radiosondes étatsuniennes. Les fortes variations de température
rencontrées pendant la montée affectent le fonctionnement
du capteur mais les perturbations sont atténuées
par un dispositif de compensation de température et par
des corrections introduites dans les calculs lors du dépouillement
des données reçues.
L'hypsomètre, basé sur le phénomène
d'ébullition de l'eau est à la fois très
simple et très précis. Les radiosondes de Payerne
en étaient équipées jusqu'en 2010 (voir Meteolabor
SRS400-PTU).
Le capteur de pression représenté sur la photo ci-contre
utilise quatre capsules. Il équipait une radiosonde de
fabrication suisse.
En dehors de la mesure de pression continue, il est fréquent
de rencontrer sur les radiosondes d'avant 1980 des dispositifs,
les baro-contacteurs qui transmettent des tops lors des changements
de niveau. Ainsi le domaine sol-16000m (1000 à 100 hPa)
pouvait être décomposés en 15 niveaux, par
exemple. Voir page : Principe du barocontacteur
ou baroswitch
Capteurs d'humidité
Jusqu'à la mise au point
des capteurs résistifs ou capacitifs, les capteurs d'humidité
étaient basés sur les variations de dimensions de
matériaux organiques comme le cheveu ou la baudruche, une
membrane très fine issue de l'intestin (caecum) de bovin,
comme sur cette radiosonde DFR-MARS32 fabriquée en Tchécoslovaquie
dans les années 80.
L'allongement d'un cheveu est faible (moins de 3%) mais il peut
être amplifié avec un dispositif mécanique,
à levier par exemple. Un de ses inconvénients est
le temps de réponse très long, incompatible avec
une mesure tous les 1000m mais il peut être fortement amélioré
grâce à un traitement mécanique particulier,
une forme de laminage. Comme pour le capteur de pression, le dispositif
mécanique d'amplification et de codage n'arrange pas les
choses.
La membrane de baudruche n'est pas plus précise, son inertie
est d'autant plus grande que la température est basse,
ainsi les valeurs de l'humidité relative mesurées
à haute altitude sont-elles trop élevées.
La fiabilité des mesures d'humidité effectuées
avec ce genre de capteurs est donc faible. La précision
est bien inférieure à celle obtenue avec les mesures
de température.
Peu de temps avant la seconde guerre mondiale des recherches ont
été effectuées aux Etats-Unis pour améliorer
le capteur d'humidité. Un capteur utilisant les propriétés
hygroscopiques du chlorure de lithium a été mis
au point par le National Bureau of Standards, il s'est imposé
progressivement face aux capteurs utilisant la baudruche ou le
cheveu quoique, dans les années 1970, la M60 utilisait
encore un cheveu et la radiosonde suisse un capteur à baudruche.
Voir page : Radiosondage et mesure
de l'humidité de l'air.
Capteurs de température
Les premiers capteurs de température
embarqués sur les radiosondes étaient basés
sur la déformation d'une plaque composée de deux
lames en métaux ayant des coefficients de dilatation différents
(une lame d'acier et une autre d'invar, par exemple). Ce "bilame
métallique" se déforme proportionnellement
aux variations de température et peut agir directement
au niveau du système de codage, en déplaçant
un curseur par exemple.
Le bilame métallique utilisé dans les débuts
manquait de fiabilité et possédait une inertie thermique
importante ; la constante de temps du capteur de température
d'une radiosonde des années 40 pouvait dépasser
4 secondes dans la partie basse de la troposphère. D'abord
amélioré par l'emploi de lames plus petites et plus
minces, il a été remplacé progressivement
par un capteur utilisant une thermistance (encore appelé
"thermistor"), composant électronique dont la
résistance varie en fonction de la température selon
une loi connue et maîtrisée dès la fabrication.
C'est à partir des années 50 que le perfectionnement
des méthodes de fabrication des thermistances permit d'obtenir
des éléments de caractéristiques identiques.
Pourtant, le bilame métallique était encore utilisé
sur la Graw M60 dans les années 1980 (photo ci-contre)
, les mesures brutes étant corrigées pour tenir
compte de l'inertie thermique du bilame.
Une des sources d'erreurs de mesure de température mais
aussi d'humidité est le rayonnement : celui du soleil d'abord
mais aussi celui des nuages, du ballon ou encore des éléments
de la radiosonde, l'émetteur à tubes par exemple.
C'est pourquoi les capteurs ont été placés
dans une veine ou cheminée canalisant l'air à mesurer
et protégeant les capteurs T et U des rayonnements thermiques
parasites.
La mesure des vents
De jour et par temps clair, le théodolite et le ballon-pilote
constituent ensemble le moyen le plus simple de mesurer la vitesse
et la direction du vent dans les couches basses de l'atmosphère,
jusqu'à la limite de visibilité ; la nuit une petite
lanterne accrochée sous le ballon permettait le suivi.
Dans les autres cas c'est le radiothéodolite et son antenne
très directive qui permettent de suivre les déplacements
de la radiosonde. En fait c'étaient trois ou quatre stations
au sol actionnées par un ou deux opérateurs qui
suivaient la sonde en vol. Les données transmises normalement
par la sonde (P et T) permettent de calculer l'altitude. En France,
de 1945 à 1950 le suivi des sondes type
ONM était assuré généralement
par trois radiogoniomètres placés l'un au centre
de radiosondage et les deux autres à une trentaine de kilomètres
environ de la station et l'une de l'autre, plutôt vers l'Est.
Le suivi d'un ballon-sonde par radiogoniométrie, expérimenté
dès les années 1920 à Lindenberg en Allemagne
ou par William Blair aux USA, fut perfectionné dans les
années 30 et 40 grâce à l'utilisation des
VHF et UHF et aboutit au radiothéodolite manoeuvré,
comme le théodolite optique, par un ou deux opérateurs.
Dans les années 1950, le radiothéodolite automatique
(Automated Radio-Theodolite ou ART) était déjà
en service aux Etats-Unis. Pour pouvoir mesurer par radiogoniométrie
le déplacement horizontal d'une sonde PTU émettant
sur 28MHz, le fabricant français Metox proposait à
la fin des années 50 un émetteur supplémentaire
400MHz pour sa radiosonde de type CT.
Le développement du radar dès les années
40 a facilité les choses, il suffit d'ajouter un réflecteur-radar
à la chaîne de vol pour suivre les mouvements de
la sonde et en déduire les vents qui la font dériver.
Le suivi de la radiosonde par radar était encore utilisé
par l'armée française en 2011 avec des sondes comme
la RS90A munie d'un réflecteur.
En France, la Météorologie Nationale a mis en place
à partir des années 1950 un radar fabriqué
par la société britannique Decca (fabriqué
sous licence par OMERA) qui a remplacé avantageusement
les radiogoniomètres ou les radiothéodolites tant
du point de vue économique que pour la précision
des mesures. Cette méthode a perduré jusqu'à
l'arrivée des sondes géolocalisées par les
systèmes Omega et LORAN-C
Une solution nécessitant une puissance réduite au
niveau du radar consiste à intégrer un transpondeur
dans la sonde. Il ne reste qu'à mesurer le temps de transmission
aller-retour du signal émis par le radar pour connaître
la distance à laquelle se trouve la sonde. Dès 1940,
une radiosonde remarquable fonctionnant comme un transpondeur
a été développée pour la Wehrmacht
: la WSE réémettait
sur 27MHz le signal reçu sur 300MHz, la distance et la
direction de la sonde étaient mesurées par une seule
station au sol. La station de Payerne, en Suisse, a utilisé
ce même principe, sur une seule fréquence, depuis
les années 1970 jusqu'en 2010 (mais avec des sondes transistorisées
comme la SRS-400W, par exemple).
Le boîtier
Les premières radiosondes
étaient lourdes et coûteuses, certaines étaient
protégées par un boîtier en bois, le volume
de gaz nécessaire pour les enlever était important
et parfois réparti dans plusieurs ballons de baudruche,
le processus de fabrication des enveloppes ne permettant pas la
production de ballons volumineux et bon marché. Pour les
protéger du choc à l'atterrissage et limiter les
coûts de reconditionnement, on plaçait le boîtier
dans un panier en osier (France, Suisse, Inde...).
Très vite, les concepteurs et les fabricants ont cherché
des solutions économiques. L'alimentation de l'émetteur
a été optimisée, l'utilisation de tôle
d'aluminium emboutie, de carton (voir radiosonde soviétique
RKZ5 ci-contre) ou des nouvelles matières plastiques moulées
a simplifié un peu la réalisation et a permis des
économies de poids. Aux USA, où les radiosondes
sont également recyclées, un boîtier robuste
en plastique moulé protège les composants, il suffit
généralement de remplacer les piles et les capteurs
de température et d'humidité. Les radiosondes Vaisala
sont simples et légères et par conséquent
plus économiques. Par la légèreté
de la charge utile ce n'est pas l'hélium que l'on cherche
à économiser, puisque à cette époque
le gonflage s'effectue généralement à l'hydrogène,
mais c'est l'enveloppe en latex et le parachute. Pendant la guerre,
la pénurie de caoutchouc a limité l'utilisation
de la baudruche (latex), les Suisses ont dû réduire
fortement les radiosondages et se sont mis à utiliser à
nouveau des ballons en papier.
Le polystyrène expansé a fait son apparition dans
les années 50. Il permettait à la fois une excellente
isolation thermique et une bonne protection contre les chocs,
tout ça avec une légèreté exceptionnelle.
Bibliographie
Ciel et Terre 1954
The invention and development of the radiosonde par Dubois, Multhauf
et Ziegler - Smithsonian Institution
Die Entwicklung der deutschen Radiosonden von 1930 - 1955 par
F. Trenkle (DFVLR) - 1982
The Determination Of Upper Winds By Electronic Means par R. A.
Ewing, Meteorological Office, Wellington (NZ).- 1947
Arc-en-Ciel n°11 - 2014