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 Les débuts du radiosondage 1929-1945

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Histoire du radiosondage :
  Les préliminaires, de 1783 à 1928
  Les débuts du radiosondage : 1929 à 1940
  Les radiosondes à tubes de 1940 à 1970

Voir aussi :
 De la montgolfière à la radiosonde moderneLes radiosondages en mer, histoire - Le Wettermuseum de Lindenberg - Le "Musée virtuel" de Météo-France
Les radiosondes anciennes -   



Les deux premières radiosondes de l'histoire

Tandis que William Blair poursuivait aux USA ses essais de mesure de vent avec un émetteur emporté par un ballon suivi par radiothéodolites, Robert Bureau continuait seul la mise au point de la première radiosonde de l'Histoire, Pierre Idrac ayant été appelé pour d'autres missions. Le 7 janvier 1929 il lâchait un ballon emportant un émetteur dont la porteuse était découpée en signaux périodiques composés de 0 et de 1. Le rapport cyclique de ces signaux, c'est à dire la durée respective d'un 1 par rapport à la durée de la période, dépend de la température de l'air, mesurée par un bilame métallique (rep. T sur les photos).
Le principe du système de codage est très simple :
- Le bilame agit sur un bras à l'extrémité duquel se trouve un curseur frottant à la surface d'un cylindre (rep. C sur les photos).
- Le cylindre a sa surface en partie métallisée (rep. m) et en partie isolante (rep. i).
- La métallisation ayant une forme en hélice, bien visible sur les deux photos, le contact électrique entre le curseur et le cylindre sera plus ou moins long, en fonction de la position du curseur et de la vitesse de rotation du cylindre. La durée du temps d'émission est donc proportionnelle à la valeur physique mesurée (pression ou température)
- La rotation du cylindre est commandée par celle du moulinet (repère M) due au vent relatif provoqué par la vitesse de montée de la sonde. La période du signal est donc proportionnelle à la vitesse de montée.
- La roue dentée (repère R), dont la rotation est également commandée par le moulinet, module l'émission en découpant le temps d'émission en tops qu'il suffit de compter. Cette roue sera remplacée par la suite par une étoile à 10 branches, puis (après 1940) par un rupteur formé d'une roue dentée et d'une lame faisant contact.

  
 La première radiosonde de l'histoire de la météorologie ou "thermoradio" lâchée le 7 janvier 1929 par Robert Bureau.    "barothermoradio" de Robert Bureau, mesurant à la fois la pression et la température. Lâchée au printemps 1929.


La photo ci-dessus, à droite, représente la radiosonde du printemps 1929. Bien qu'encore expérimentale, elle a un aspect mieux fini. On distingue très bien, sur le même axe que le moulinet, le tambour de codage (rep.
C). C'est un cylindre dont la surface est à moitié isolante et à moitié conductrice. Le capteur de pression (rep. P) est un tube de Bourdon (breveté en 1849 par Eugène Bourdon, ingénieur français), dont la forme dépend de la pression. Le bilame métallique est à gauche (rep. T). On peut, sans grand risque, avancer l'hypothèse que le moulinet était situé sous la radiosonde et que celle-ci pose pour la photo le dessus en dessous. Les ficelles d'accrochage sous le ballon ne pouvant cohabiter avec le moulinet.
Dans les modèles suivants, le moulinet fut remplacé par un mécanisme d'horlogerie, moins rustique mais plus précis et surtout plus régulier. L'énergie nécessaire à son fonctionnement a d'abord été celle du poids de l'appareil, comme dans une horloge comtoise ou un coucou suisse, puis celle d'un ressort, comme dans un réveil mécanique.
Voir : Les principes du codage chronométrique pour les premières radiosondes.

Les années 1930

L'exemple de Robert Bureau fut très rapidement suivi en janvier 1930 par le Soviétique Pavel Molchanov et l'Allemand Paul Duckert en mai 1930 puis, en décembre 1931, par le Finlandais Vilho Väisälä le fondateur du plus important constructeur actuel de radiosondes.
La radiosonde russe avait la particularité de coder en morse les informations à transmettre à l'aide d'un système de commutateurs sophistiqué. Elle pouvait donc être décodée par n'importe quel opérateur, sans matériel spécial à la réception. Par contre, la radiosonde perdait en simplicité. L'antenne était un doublet demi-onde au centre duquel se trouvait la sonde : un brin était attaché au ballon et le second pendait sous le boîtier. Le premier vol eut lieu le 30 janvier 1930 à l'Observatoire de Pavlovsk (qui s'appelait alors Slutsk) près de St-Petersbourg. Des mesures de pression et de température purent être effectuées jusqu'à 8900m d'altitude.
Note : jusque dans les années 2000, l'opinion généralement répandue était que la première radiosonde de l'histoire était celle de Molchanov. Cette erreur historique reproduite à l'infini par des journalistes ou des historiens peu scrupuleux ou mal documentés provient non pas d'une ignorance du travail de Robert Bureau par la Communauté scientifique mais d'une erreur de date, les lâchers de 1929 étant placés en 1930 (voir l'article de Nina Zaitseva dans le bulletin de l'AMS d'octobre 1993 cité dans le paragraphe Bibliographie et sources) mais aussi pour d'obscures raisons de propagande n'ayant rien à voir avec la Science...
Le système de codage de la température dans la première radiosonde de Paul Duckert était différent des deux premiers puisqu'il utilisait la variation de capacité du condensateur du circuit oscillant pour faire varier la fréquence d'émission. Le capteur thermométrique était également un bilame métallique et celui de pression un tube de Bourdon. La première radiosonde allemande fut lâchée de Lindenberg le 22 mai 1930 et dépassa l'altitude de 15000m. Elle émettait sur une fréquence dépendant de la température, entre 6 et 7 MHz.

Jusqu'en 1931, on peut considérer que la radiosonde est à l'état de prototype et que les radiosondages sont expérimentaux, il n'existe encore aucun réseau et la fiabilité des appareils est encore insuffisantepou rêtre exploitable. C'est l'année polaire internationale qui peut être considérée comme l'année de naissance du radiosondage.
Une photo de la partie mécanique de la radiosonde française de 1932-1933 est visible sur cette fiche du Musée virtuel de Météo-France. On distingue très bien le mécanisme d'horlogerie dans la partie supérieure avec l'étoile dont les branches passent entre les deux armatures du condensateur (en haut et à droite). L'émetteur (absent sur la photo) était fixé au dessus de la partie mécanique. Il était équipé d'un seul tube (une triode montée en Hartley) placé à l'intérieur de la bobine. L'ensemble était compact et de taille raisonnable. Elle avait été conçue et fabriquée par l'Office national météorologique qui devint en 1945 la Météorologie nationale. Basée sur le principe de Olland, elle fut utilisée lors de l'année polaire internationale qui s'étala sur 13 mois d'août 1932 à août 1933 (voir : Les radiosondages en mer - histoire).

Le moulinet servant de moteur au système de codage pouvait être remplacé par un mécanisme d'horlogerie (en France et en Suisse) qu'il fallait remonter comme un réveil avant le lâcher. Il semble que le poids du dispositif et son prix aient constitué des handicaps à sa généralisation car beaucoup de radiosondes d'après-guerre comportaient encore un moulinet. Voir : radiosonde Kew MK2b. Dès les années 40 on commence à rencontrer des petits moteurs électriques dans certaines sondes (Jacobsen)

Pour permettre la mesure de la durée du temps d'émission (une sorte de créneau) proportionnel à la valeur de la mesure transmise, Robert Bureau ajouta un dispositif de codage par manipulation de la fréquence de l'émetteur. Une roue en étoile à dix branches (dont la 10ème manquait) tournait entre les lames du condensateur du circuit oscillant, provoquant un déplacement de fréquence sous la forme de séries de 9 tops séparés par un blanc. L'opérateur au sol, en "lisant" le tracé de l'enregistreur graphique n'avait qu'à compter les tops à l'intérieur d'un créneau ; la présence des blancs séparant les paquets de 9 tops facilitait grandement le comptage (voir Le système de codage de la radiosonde O.N.M.). Comme la stabilité du signal et l'étalonnage des récepteurs n'étant pas parfaits à cette époque (début des années 1930), la modulation caractéristique d'une radiosonde permettait de ne pas la confondre avec un signal parasite, c'était une sorte de "signature".

Les fréquences utilisées dans les années 1930 pour le radiosondage sont de deux types :
- de l'ordre de 2 MHz (longueur d'onde 180m) pour les mesures de vent en altitude par radiogoniométrie. La mesure des angles à l'aide d'antennes-cadres étant très précise lorsqu'on recherche le minimum de signal.
- pour les sondages PTU, antennes de taille réduite, bande de fréquences très large aux environs de 27MHz permettant de loger de nombreuses radiosondes en limitant les brouillages. Les radiosondes françaises émettaient sur 22,6 MHz en 1935.
Lors de la Conférence internationale des radiocommunications du Caire de 1938, l'importance du service apporté par le radiosondage est unanimement reconnu et les bandes 2050-2070 kHz, 27,5-28MHz et 94,5-95,5 MHz lui furent attribuées.
La bande des 27MHz a été longtemps réservée pour des applications plus ou moins scientifiques. Elle était encore utilisée par certaines RS jusque dans les années 1970-80
Dès les années 40, des fréquences plus élevées (72MHz en Suisse, 72 et 400MHz en Amérique du Nord, 300MHz en Allemagne...) ont été utilisées.

L'utilisation des radiosondes avait également un intérêt capital dans l'étude de l'atmosphère au-dessus des régions désertiques, forêts immenses et océans, comme le soulignait Robert Bureau dans une publication de 1937, là où les chances de retrouver un ballon-sonde et ses enregistreurs graphiques étaient quasi nulles.
La technologie utilisée pour la transmission automatique d'informations par radio permit entre autres la mise en place de stations météo automatiques installées dans des endroits difficiles d'accès (sommets montagneux, par exemple)

Les ballons utilisés sont en latex, de 400g par exemple. Pour les radiosondes les plus lourdes un groupement de deux ou plusieurs ballons sont utilisés. Si un parachute est ajouté dans la chaîne de vol, c'est moins pour limiter les risques très improbables d'accidents sur les personnes et les biens terrestres que pour éviter d'abîmer la précieuse nacelle lors de l'impact. En 1938, 90% des radiosondes étaient retrouvées et retournées à l'ONM (une prime de 25 francs était accordée au retrouveur), la robustesse de la sonde française autorisait le recyclage de 60% d'entre-elles.
Dix ans après le premier vol à Trappes, la radiosonde avait atteint la maturité : ses performances et son coût permettaient d'envisager une utilisation généralisée à l'échelle globale. Des progrès relativement lents ont eu lieu pendant les décennies suivantes.

En 1935, les Soviétiques entreprenaient la mise en place d'un réseau de radiosondage qui était fort d'une quarantaine de stations en 1940.
Les USA organisaient le leur en 1936. Ce sont ces réseaux qui permirent de pratiquer des mesures cohérentes et coordonnées sur une vaste échelle afin d'étudier les mouvements des masses d'air dans les trois dimensions. Pendant l'année 1940 ce sont plus de 35000 radiosondes qui furent lancées.
En France, c'est à partir des premiers jours du printemps 1938 que la station abritée par le Fort de St-Cyr à Montigny-le-Bretonneux (78) effectua des radiosondages quotidiens réguliers.

Le terme de radiosonde (ou radio-sonde) est utilisé par Robert BUREAU en 1931 ; il l'emploie au masculin.
En 1938 le mot est utilisé en allemand et en français alors que les Anglo-saxons utilisent plutôt "radio-meteograph", les Italiens "radio-meteographo" ; les Portugais et les Espagnols ont adopté "Radiosonda".

Bibliographie et sources

The invention and development of the radiosonde par Dubois, Multhauf et Ziegler - Smithsonian Institution
De la TSF à l'électronique par Albert Vasseur - ETSF 1975
In Bannkreis von Nauen, von Artur Füerst - Deutsche Verlags-Anstalt Stuttgart und Berlin - 1923
Historical Developments in Radiosondes Systems in the Former Soviet Union par N.A. Zaitseva dans le Bulletin de l'A.M.S - 1993
Die Entwicklung der deutschen Radiosonden von 1930 - 1955 par F. Trenkle (DFVLR) - 1982
Le Radiosondage de l'atmosphère par Robert Bureau dans Ciel et Terre d'avril 1937.
La Radiosonde a 65 ans par Michel Rochas et Michel Lagadec dans La Météorologie avril 1994
The History of Sounding Rockets and Their Contribution to European Space Research by Günther Seibert - 2006
The Signal Corps: the Outcome par G.R. Thompson et D.R. Harris - 1966
Radiosondages sur le Carimaré par R. Bureau et A. Perlat dans L'aéronautique d'avril 1938
La Liaison aérienne de l'Atlantique Nord dans "Le Matin" du 13/08/1937
Réglement général des radiocommunications - Révision du Caire 1938 - IUT